16 mars 1915

40e lettre                   Secteur postal 97

Ma chère Emma,

Nous voilà de nouveau en France. Nous avons repassé la frontière ce matin. Partout ce n’est que  neige. La route était une véritable glace du coté de la montagne faisant face au Nord. Cela rendait la marche difficile.

Hier nous avions changé aussi de cantonnement et nous étions logés dans une usine de tissage. En ce moment elle est abandonnée. J’ai pu admirer avec quel soin c’était installé, surtout pour le bien-être des ouvriers. Il y a, pour tenir ou chauffer leur repas, de grandes plaques de fonte chauffées à la vapeur. Les appartements où sont les métiers sont chauffés de même. Il y a aussi des bains douches. Dans les villages j’ai aussi remarqué qu’ils ont beaucoup fait pour la commodité de l’eau. Ils ont fait des bassins de partout, c’est à dire que dans la rue principale il y en a assez pour que chaque famille puisse laver. Ainsi que tu le vois je t’envoie une carte qui n’est pas française. Deutsches signifie allemand. Le patron de la maison où je suis resté environ 15 jours a voulu me la donner à tout prix pour souvenir. Je ne crois pas que tu puisses comprendre l’écriture. Je n’en connais que quelques mots. J’ai marqué d’une + la maison ou j’étais. En bas et à gauche était logée une partie de ma section.

 

Je t’embrasse bien tendrement.

Reymond.

 

Chère petite femme…

Je continue à causer encore un moment avec toi. Que ne puis-je le faire de vive voix. Que de choses j’aurais à te raconter. Je crois que tu t’ennuierais à force de te bavarder.

Dans le village où je viens d’arriver et qui n’est qu’à quelques Kilomètres de la frontière, je suis logé chez des bons vieux qui m’ont aussitôt offert un lit. Partout dans ces contrées on ne peut que faire des éloges des gens. Tu vois que tu n’as pas à te faire du souci pour moi. Cependant je languis beaucoup de recevoir de tes nouvelles. Il y a bien longtemps que je n’ai rien reçu de toi, environ 5 à 6 jours. Es-tu malade, car je sais que les lettres ne se perdent pas. Es-tu fâchée chérie, ou es-tu découragée.

Il est vrai que je suis bien exigeant, je voudrais recevoir trop souvent des lettres. Malgré que je te dise cela, il ne faut pas pour cela te fatiguer à écrire. Je vais mettre dans cette enveloppe une ou deux lettres de tes plus anciennes. Je pense que tout te parviendra. Si j’ai le temps et s’il plait à Dieu demain je t’écrirai de nouveau. Donne le bonjour à tous les amis, embrasse tes parents.

Excuse moi si je ne t’écris pas plus longuement.

 

Adieu chérie, que Dieu te bénisse et te garde, je t’embrasse bien tendrement sur les deux joues.

Ton époux

Reymond

 

P.S. Embrasse bien fort notre petit Georges.

 

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