9 avril 1915

57e lettre

 

Ma bien aimée,

J’ai reçu ce matin ta 58e, une carte lettre, et la 59e lettre. Je suis bien heureux que tu aies reçu enfin une carte de ma part. Oui, chérie, je comprends comme tu devais languir, toi qui m’aimes tant, je le sais, moi aussi tu ne peux comprendre comme je t’aime, je voudrais tant te savoir heureuse aussi je t’écris aussi souvent que je peux. Mais je comprends que tu dois bien réfléchir à mon sujet. Je te prie d’avoir confiance au Seigneur, de t’attendre entièrement à Lui. Il peut me garder au milieu du danger. Tu le vois, je ne me chagrine pas autant que toi. Jusqu’à présent j’ai pu tout supporter grâce à Dieu. Tu me dis que tu trouves Lydie plus heureuse que toi. Moi je ne dis pas la même chose, je ne tiens pas à être blessé, car ici ce n’est pas facile d’être évacué. Je vois que tu te donnes bien de la peine pour les photos. Je vais les recevoir un de ces jours, car tu vas la faire partir de Valence. Je suis heureux d’apprendre que tu vas avoir de nouveau Maurice, il t’aidera un peu. Les journées sont bien chères, mais il te faut faire ton possible pour garder Viaugeas et l’oncle. Ils te seront bien utiles. Je pensais t’envoyer un mandat, mais on ne m’a pas encore payé mon prêt. Cela va me faire une bonne somme. Si je venais à manquer tu pourrais le réclamer lorsque tu recevrais mon décès.

On te dirait si on me l’a payé ou non. Je ne suis pas en 1er ligne aujourd’hui. On peut faire du feu, mais la cheminée de notre hutte ne fonctionne pas, il n’y en a point. Il neige toujours.

 

Je termine en t’embrassant bien tendrement.

Reçois bien des caresses

de ton Reymond