10 avril 1915

58e lettre

 

Ma chère Emma,

Je viens de recevoir ton colis qui renfermait une saucisse, du chocolat et puis une boite qui je le croyais renfermerait des confitures de figues. Cela s’est trouvé de la gelée de groseilles. C’est excellent. Cela ne pouvait venir mieux à point. Je n’avais plus qu’une tablette de chocolat. J’en mange parfois deux ou 3 barres par repas. Parfois point du tout, suivant ce que l’on a. La nourriture est en général suffisante. Toujours même, ce n’est que lorsqu’il y a accident qu’il y en a moins. Mais lorsque la graisse est froide ce n’est pas bon. Je te remercie donc de ton colis.

En même temps j’ai reçu ta lettre du Lundi 5 avril. Elle n’est pas numérotée mais ce serait la 60e. Te dire combien je suis été heureux de voir vos photos, c’est impossible, il m’a semblé que j’étais auprès de toi, c’est un grand bonheur pour moi. J’y ai déposé bien des mimis longtemps.

Chère Emma comme tu as maigri, tu as l’air bien triste et abattue. Sûrement que tu ne me dis pas la vérité sur ta santé. Oh! dis-moi la vérité. Quant à notre petit Georges il a l’air bien portant, bien éveillé, et il a mis toute son attention pour regarder. Il a un joli costume comme forme (je veux dire coupe) Je reconnais le morceau de cet habit, tu m’avais envoyé l’échantillon. Combien as-tu fait faire de photos ? Toutes sont-elles ainsi? Je ne veux pas dire que cela ne soit pas suffisant, mais elle n’est pas grande. C’est vrai que c’est très bon marché. Enfin, j’ai le grand, bien grand bonheur de te contempler. Il me semble que tu es plus près de moi. Je vais vous contempler bien souvent. Je commence à n’avoir pas beaucoup de papier, car il y a longtemps que je n’ai pas vu ma cantine où est ma réserve. Tu pourrais mettre une feuille dans une réponse. Il est vrai qu’avant qu’elle me parvienne j’aurai sûrement vu ma cantine, car je ne crois pas que l’on puisse nous laisser dans cette contrée bien plus longtemps. Les hommes ne pourraient pas le supporter. On nous relèvera, probablement et nous irons nous reposer plus en arrière. On a toujours opéré ainsi. Ne languis pas à mon sujet. Je te le répète chaque lettre, mais je sais que tu dois bien languir et être inquiète parfois. Oui, nous avons besoin que Dieu nous encourage et nous aide à supporter avec patience ces épreuves. Que notre confiance ne défaille pas.

Que te dirai-je à présent, je ne le sais. Il ne s’est rien passé d’extraordinaire dans ma vie.

Il est 10 h. du matin, une partie de la nuit il a neigé à gros flocons, la matinée aussi, mais maintenant cela tombe moins fort.

Tous ces jours-ci je t’ai écrit tous les jours. Tant que je pourrai, je ferai ainsi.

Tu donneras le bonjour à tous les amis notamment à M. Delarbre.

Embrasse tes parents et notre petit Georges. Je te laisse pour aujourd’hui car il faut que j’aille creuser un fossé pour faire communiquer avec les tranchées de 1er ligne. Il est sous bois et on peut y travailler le jour. Je vais remplacer avec ma section une autre section qui travaillait le matin malgré le temps.

 

Je te couvre de baisers et t’en envoie une pleine lettre.

Ton mari Reymond.

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